".../...Je suis allée à l'école pour la première fois à cinq ans à cause d'une amie de mes parents qui a dit qu'il fallait absolument qu'on soit sociales, que c'était pas normal d'être toujours avec des adultes, des biques et Raymond, que si ça continuait on serait pauvres en mots et que pour plus tard, ce serait très grave. elle a ajouté que si Ninon (moi) zozotait, c'était à cause de leur inconscience parentale. Fred a crié que c'était que des conneries, que l'école, ça déforme les idées naturelles et que y'avait bien le temps pour ça.
Zélie a pleuré. Zélie pleure toujours quand quelqu'un lui dit qu'elle est une mauvaise maman, ça lui fait vraiment mal parce qu'elle croit qu'elle va devenir comme ses parents.
quelques jours plus tard Zélie s'est garée près d'un bâtiment monstrueux entouré de grillages. Quand on est entré dans la cour, je ne voulais pas lâcher la main d'Agathe pour qu'elle aille chez les moyens-petits. Zélie a dit: Allez y, ça va être super bien, vous aurez plein de choses à vous raconter ce soir! et elle a reniflé en fermant les yeux.
Dans ma classe, une immense dame maigre et très laide avec des cheveux courts m'a demandé de recopier le mot écrit au tableau. Le mot...J'ai essayé d'imiter les traits droits comme du blé un jour sans vent, c'était très difficile, mes doigts glissaient sur la mine colorée. La dame s'est approchée et elle a dit: Mon Dieu! J'ai dit que j'étais pas Dieu mais que si elle voulait m'appeler comme ça, pourquoi pas. Elle a répété: Mon Dieu..., tu ne sais même pas écrire "maman" ?
-Non ça sert à rien que je l'écris puisque je dis jamais maman
-Tu ne dis jamais maman!
-Non, je l'appelle Zélie parce que c'est trop mignon et en plus c'est personnel et assumé pour de vrai.
La dame m'a dit de ne pas parler sur ce ton, j'ai répondu que je ne mangeais pas de poisson parce que sinon, on allait vider la mer.
L'année suivante, mon instituteur était gentil, il avait des cheveux de mouton. il était très embêté car il ne savait pas de quelle main j'écrivais. On a essayé la main du pouce que je ne suce pas et, catastrophe, j'écrivais tout à l'envers. pour me lire il mettait le cahier devant le miroir, c'était rigolo de voir sa tête qu'il tirait par les cheveux. Alors il m'a conseillé d'écrire avec la main du pouce que je suce et c'était pas terrible terrible mais un peu mieux quand même. Le maître soupirait et parfois, de son bureau, il me regardait tristement. pour le faire sourire, je lui faisais la grimace qui fait toujours rire: La trompette singe. Il ne riait pas du tout.
Un jour pour draguer Zélie qui est la plus magnifique de toutes les mamans, il lui a donné rendez-vous. il a dit que j'avais des problèmes de disques et de lexique. Dans la voiture j'ai demandé à Zélie ce que c'était un lexique. Elle m'a dit très sérieusement avec un ton d'encouragement: C'est une sorte de liste pour les mots qu'on ne comprend pas.
Tout mon problème était là: J'écoutais trop de musique et je ne comprenais rien aux mots. J'ai décidé de faire des efforts. De gros efforts
Dans la cour il y a des rangées. On me demande mon nom, on me dit: C'est joli Ninon. a moi, on dit tout le temps ça, et à Agathe on dit toujours: Tu as des yeux magnifiques (bleus)! Mon cartable claque contre ma cuisse, Zélie m'a mit du sent-bon, mes cheveux sont lavés d'hier et je suis très polie avec tout le monde pour être sociale. C'est sûr, tout va bien se passer, j'aurais même une meilleure copine qui me donnera des chewing-gums à la récré. Agathe est déjà dans sa rangée, elle suce son pouce et se frotte le bout du nez avec un tissu blanc. c'est la manche de la chemise usagée qu'elle a planqué dans son cartable.../..."Extrait de "Dis oui, Ninon" un roman de Maud Lethielleux-Editions Stock
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